Site d’informations culturelles de La Réunion

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L’enfant découvre ce qui nous rend uniques, et non pas une idée occidentalisée de ce que signifie être africain

Vous avez dit que l’anglais est la langue principale au Nigeria en raison de l’histoire coloniale du pays et que de nombreuses écoles sont réticentes à l’idée d’enseigner les langues autochtones. Quelle a été votre propre expérience en grandissant ? Est-ce que votre famille ou votre entourage parlait yoruba ?

Mon père parlait toujours anglais, car il a effectué ses études en Angleterre. Il avait également des manières très britanniques. En revanche, ma mère nous parlait toujours en yoruba : c’est l’unique raison pour laquelle je comprenais la langue. Je devais parler yoruba à chaque fois que je me rendais à des événements familiaux, en particulier du côté de ma mère qui est issue d’une famille royale. C’est très important pour eux. Mais tout le monde parlait anglais autour de nous. Les langues autochtones étaient des matières scolaires, mais elles n’étaient pas prises au sérieux : peu importait si l’élève réussissait ou échouait. Il était interdit de parler les langues autochtones à l’école et les élèves des écoles gouvernementales pouvaient même être punis ou sanctionnés par une amende.

Pourquoi certaines écoles sont-elles réticentes à l’idée d’enseigner les langues autochtones ? Comment peut-on changer ces comportements ?

L’anglais est la langue officielle et les parents ne veulent pas que leurs enfants parlent les langues autochtones. En effet, ils pensent, à tort selon moi, que les enfants ne maîtriseront pas très bien l’anglais s’ils parlent ces langues. À cause du colonialisme, les gens qui ne parlaient pas anglais avaient un sentiment d’infériorité. Quand j’ai lancé IyinCreative (l’entreprise qui crée l’application), les écoles n’étaient pas intéressées. Elles ont toutefois regardé l’application autrement et compris qu’elles pourraient en fait intégrer cet outil moderne lorsque je leur ai montré qu’elle était animée et que les enfants apprécieraient les images et les chansons. Ç’a été difficile, mais elles réalisent de plus en plus que l’apprentissage des langues autochtones n’aura pas d’incidence sur celui de l’anglais.

Vous avez expliqué que les dessins animés, l’application et les livres ont vu le jour, car vous souhaitiez apprendre le yoruba à votre fille et qu’il n’y avait pas de ressources appropriées sur Internet : vous avez donc dû créer les vôtres. Que vouliez-vous réaliser avec les produits que vous avez créés ?

Je souhaitais qu’elle puisse s’appuyer sur quelque chose qui ne dépende pas de moi, car je ne parlais pas très bien yoruba. Elle aimait le dessin animé Dora l’exploratrice : Dora trouve toujours un moyen de glisser des mots espagnols dans tout ce qu’elle dit, ce qui permet aux enfants d’apprendre facilement l’espagnol. J’ai donc eu l’idée de créer une ressource similaire dans notre langue autochtone.

Comment votre fille et les autres enfants ont-ils réagi aux dessins animés et à leur contenu ?

C’est très efficace. L’apprentissage sans effort est le plus efficace : les enfants apprennent sans s’en rendre compte, car ils s’amusent beaucoup. J’étais enceinte de mon fils lorsque j’ai créé Anilingo et je l’emmenais avec moi au bureau alors qu’il n’était encore qu’un tout jeune bébé. Il a dit ses premiers mots, « Mama » et « Baba » (maman et papa), en yoruba et il parvenait même à prononcer des mots compliqués. Il disait de longs mots comme « labalaba » (papillon) ou « tolotolo » (dinde). Pour moi, c’était la preuve que c’était efficace ! Ma fille est désormais capable de faire des phrases plus complexes et ils parlent yoruba au quotidien.

si vous souhaitez savoir comment les choses ont changé, vous devez connaître le point de vue de ceux qui l’ont vécu

Comment l’apprentissage des langues africaines autochtones peut-il aider les enfants à renouer avec leur culture ?

Dans les dessins animés, les enfants portent des vêtements traditionnels ou de jeu en tissu local. C’est volontaire, car je souhaite normaliser les tenues traditionnelles. L’application contient également des contes populaires basés sur des histoires des quatre coins de l’Afrique. La langue est essentielle pour en apprendre plus sur la culture, car l’enfant découvre en même temps les aspects du quotidien qui s’appliquent à la culture. Il apprend par exemple que les gens mangent du « dundun » (chips d’igname) ou de l’« Iyan » (igname pilée) et qu’il s’agit de notre nourriture. L’enfant apprend également que le jean n’est pas notre tissu : l’« Adire » est le tissu yoruba. Il apprend aussi que nous avons un roi que nous appelons « Oba » et qu’il porte une tenue traditionnelle. L’enfant découvre ce qui nous rend uniques, et non pas une idée occidentalisée de ce que signifie être africain.

Quelles étaient les exigences des parents qui souhaitaient que leurs enfants apprennent les langues autochtones ? 

Plus la reconnaissance que nous obtenons est grande, plus les gens pensent que c’est une bonne chose. Les parents qui vont sur Internet et voient que je suis passée sur France 24 se disent que ça doit être bien. Ce n’est pas vraiment le bon état d’esprit, mais c’est bien si ça fonctionne. L’essentiel c’est que les enfants aient accès au contenu.

Pensez-vous que les récentes manifestations du mouvement « Black Lives Matters » dans le monde entier alimenteront le désir de la diaspora africaine de renouer avec son identité culturelle, y compris en apprenant les langues autochtones ?

Oui. Si vous souhaitez vraiment connaître votre histoire, vous devez aller à la source. Et si vous souhaitez savoir comment les choses ont changé, vous devez connaître le point de vue de ceux qui l’ont vécu. On nous apprend que les Britanniques sont arrivés avec des canons, qu’ils nous ont dominés, puis que les gouverneurs ont contrôlé et divisé la population en séparant les tribus. Le Royaume-Uni ne va pas l’enseigner de cette manière. On remarque un certain désir de lire bien plus de contenus centrés sur l’Afrique. En effet, les personnes à la peau noire ou foncée savent que, où qu’elles soient dans le monde, elles ont d’une manière ou d’une autre un lien avec l’Afrique. On constate un regain d’intérêt pour le lieu d’origine. Les personnes souhaitent apprendre les langues, découvrir la culture. Elles ne veulent pas lire Oliver Twist, mais Fadhila and the Spider.

 Dans quels pays l’application est-elle utilisée et quelles autres langues autochtones espérez-vous enseigner ? Quels sont vos projets pour la gamme Anilingo ?

C’est aux États-Unis, suivis du Royaume-Uni puis du Nigeria que l’application Anilingo est la plus représentée. Viennent ensuite l’Australie et la France. Nous proposons désormais des cours de langues virtuels : vous pouvez vous inscrire et avoir un tuteur virtuel en amharique, swahili, tswana, shona, twi, wolof et kinyarwanda, sans oublier le yoruba, le hausa et l’igbo, qui sont des langues nigérianes. L’animation demande beaucoup de temps et est assez coûteuse, mais nous avons terminé le travail de base pour les dessins animés dans ces sept langues qui sont les plus demandées. L’objectif est de proposer autant de langues que possible sous forme de dessins animés et avec des tuteurs virtuels.

Source : https://www.institutfrancais.com/fr/rencontre/kofoworola-oyeleye

 

 

Kofoworola Oyeleye est la créatrice de l’application primée Anilingo conçue pour enseigner les langues africaines aux enfants grâce à des dessins animés, des jeux, des chansons et des livres d’histoires. Grâce à la langue, elle souhaite leur permettre de renouer avec leur culture et les rendre fiers de leur identité.

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