Site d’informations culturelles de La Réunion

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La série de réflexions sur les composantes de notre société et sur le besoin absolu de toutes ces composantes pour le développement de la Réunion et le plus grand bonheur de son peuple, la série est terminée. Mais à partir de ces réflexions, il y a une suite et des conséquences pour les actions à venir. Aujourd’hui, nous serons davantage dans l’actualité du coronavirus.
Manifestement, la pandémie a donné au virus une force qui, sans en avoir l’air, a vaincu des résistances, bousculé des convictions et secoué des inconsciences qui avaient empêché jusqu’ici ce que lui, coronavirus, a réussi. On a beaucoup écrit sur ce thème. Des lecteurs m’ont envoyé des articles de grands journaux nationaux et de publications internationales. À travers quelques exemples, on verra à quel point le virus a imposé, sans histoire, ce qui était impensable, impossible, inacceptable.
Pour commencer, les gazettes rapportent que l’air des grandes villes chinoises sévèrement pollué jusqu’ici, est aujourd’hui, dégagé. Le bleu du ciel réapparait, les oiseaux se font entendre, les décibels ont baissé. Des amis parisiens me disent que la différence, dans le domaine de la pollution, est sensible lorsqu’ils ont l’occasion de mettre le nez dehors. Le confinement a réussi ce que des années et des années de revendications, de campagnes et de mesures n’ont pas réussi, il a réussi à diminuer la pollution.
Avec le confinement, l’économie est en panne. Mettre en panne l’économie du pays pour se faire entendre était le but des organisations qui décrétaient des grèves générales. Elles n’ont jamais réussi autant que le confinement qui plus est, sur ordre des autorités.
La dette publique a été présentée par « les spécialistes » comme le mal absolu. Sa diminution, sinon sa suppression, étaient l’objectif principal des réformes, quitte à sacrifier le service public, à diminuer les effectifs, à délocaliser. Pour se protéger du coronavirus, pour compenser les conséquences économiques du confinement, le montant de la dette a bondi de façon phénoménale, non seulement elle est importante par rapport au PIB, mais maintenant déjà, elle le dépasse de loin. Elle se chiffre par centaines de milliards. Il faut faire la guerre au virus « à n’importe quel prix » a dit le Président.
Dans le même état d’esprit, les grands prêtres de la réduction de l’État à ses fonctions régaliennes, contre l’État-Providence, se tournent vers l’État pour venir à leur secours. Certains partisans de la privatisation à-tout-va, vont même jusqu’à préconiser la nationalisation de certaines entreprises.
La délocalisation, le moyen absolu de la mondialisation pour augmenter les profits des puissants, est elle-même montrée du doigt. À cause d’elle, la France a manqué de masques, d’appareils de respiration, de matériels divers, a pris du retard dans la lutte contre le virus, a eu recours au confinement dans de moins bonnes conditions qui ont plombé l’activité économique et provoqué une situation sociale dont on n’a pas encore mesuré toute l’ampleur. Pour empêcher le pire, les mécanismes libéraux de la finance et des marchés sont impuissants, leurs spécialistes et leurs grands
prêtres en appellent à l’État, leur bête à abattre, pour qu’il réparent les dégâts.
Qu’est-ce qui a donné au virus sa force ? La peur d’une certaine mort ?… Mais qu’est-ce qui a donné sa force aux puissants du « profit d’abord », avant le coronavirus ?… Certainement pas la peur. Que se passera-t-il une fois le danger passé et la peur dépassée ?
Quelqu’un me demandait à moi qui avait connu la deuxième guerre mondiale, comment les Réunionnais ont vécu la pénurie, comment ils ont fait face et comment ils s’en sont sortis après. Pour faire face à la pénurie, ils ont produit davantage ce dont ils avaient besoin. Le Gouverneur avait même donné l’ordre d’arracher la canne pour la remplacer par des cultures vivrières. Mais avant même la fin de la guerre, à la fin du blocus, ils sont revenus aux facilités de l’importation de ce dont ils avaient besoin et sont progressivement retournés aux mécanismes économiques artificiels que nous connaissons aujourd’hui.
Avec le coronavirus, nous avons vu, ici, les initiatives se multiplier pour la fabrication des masques, pour la plantation de produits de consommation, pour l’organisation de circuits de ventes raccourcis. Ce que j’ai noté, c’est que les uns et les autres ont compris que ces initiatives pouvaient être partagées. Les grandes surfaces, les petits commerces, les particuliers ont compris qu’il y avait de la place pour tout le monde, ce qui n’a pas toujours été le cas. À signaler que la Fondation Abbé Pierre, la Croix Rouge, le Secours Catholique, les CCAS ont confiné des SDF, distribué des repas et rendu des services parfois inattendus. Des individus ont secouru du monde, la main droite, comme disait ma belle-mère, ignorant ce qu’a fait la main gauche.
Il est à craindre qu’au lendemain du coronavirus, sur le plan national et localement, tout le monde retourne aux habitudes du passé, à la pollution, à l’autisme des revendications sociales, aux réformes libérales, à la délocalisation et, ici en particulier, à la facilité de l’importation de tout. Ce qui est à craindre, c’est que pendant le temps nécessaire pour remettre les choses en état, les partisans du « profit d’abord » laisse l’État faire et qu’une fois fait le redressement, ils reprennent pour leur compte les entreprises rétablies. Tout le mouvement de la casse du service public, c’est cela. Quand le Général de Gaulle a réglé le contentieux algérien, ces gens-là l’ont éjecté parce qu’il allait faire avancer le rôle de l’État pour une plus grande régulation de l’économie. Avec les dernières présidences affaiblies, ils ont réussi à faire transférer des secteurs entiers de services publics au secteur privé, à leur profit.
Ce retour est à craindre parce qu’un peu partout dans le monde, les peuples n’ont pas réussi à s’imposer. Ce sont des partis, parfois puissants, qui ont pris en charge les mouvements populaires. Mais la force des peuples, n’est pas l’affaire des partis. En Amérique du Sud et en Extrême Orient, il est quasiment impossible de stopper la disparition des forêts qui sont les poumons de la planète ; en Amérique du Nord, il a été impossible d’empêcher l’extraction du gaz de schiste. En France, il est clair qu’avec les gilets jaunes l’an dernier et les mouvements syndicaux contre la réforme des retraites, il y a de la résistance. Mais les puissants « du profit d’abord » sont encore les plus forts.
Indépendamment des partis et en leur qualité de citoyens, quelles que soient leurs origines et leurs classes sociales, les peuples de citoyens doivent se lever. Chaque peuple devra dire son choix de société, entre le modèle du « profit d’abord » et celui de « l’homme au centre ». Aujourd’hui, ce dilemme est mondial. Mais il appartient à chaque peuple de régler cette question pour ce qui le concerne. Le dilemme est mondial et il serait bon qu’une solidarité de but s’installe à ce niveau, mais, en tout état de cause, la solution est locale. À la Réunion, avec les apports de la solidarité nationale et d’autres solidarités éventuelles, c’est aux Réunionnais de trancher et de le faire savoir.
Sous toutes les latitudes, des pays connaissent la paix et la prospérité, parce que leurs peuples ont choisi et que leurs classes politiques travaillent, se concurrencent et s’affrontent à l’intérieur des conditions fixées par ce choix. Dans ces pays, la loi n’est pas celle que peut imposer le plus fort. Les médias ne parlent pas de ces pays parce qu’ils ne connaissent pas de situations scandaleuses, parce qu’ils ne connaissent pas les horreurs de la guerre, parce qu’ils acceptent de « vivre cachés », parce que « l’ordre » qui s’impose maîtrise les folies personnelles. Notre République a tout ce qu’il faut pour connaître « cette tranquillité de l’ordre ». Elle a montré qu’elle pouvait s’organiser avec « l’homme au centre » ; que cette organisation pouvait apporter la prospérité et un meilleur sort aux populations. Depuis quelques décades, des spécialistes et des grands prêtres de la société du « profit d’abord » l’entraînent progressivement sur cette voie. Les troubles actuels et les leçons du coronavirus nous montrent deux choses : que ces voies ne conviennent pas aux Français et que les Français sont capables de discipline et de renoncement, si c’est pour la bonne cause.
Au sein de la République, le petit peuple que nous sommes doit faire le choix qui portera son pays sur la voie du développement « de l’homme au centre ». Pour ce choix, il n’y a pas d’Africains, de Chinois, d’Européens, d’Indiens ; il n’y pas les gros de la varangue, les petits de la cour, les gens de la classe moyenne, les institutionnels de l’agora, il y a des Réunionnais. Ce choix de la société de « l’homme au centre » régulera l’activité commune pour empêcher « la loi de la jungle », la loi du plus fort. Comme tous les peuples, le nôtre devra faire savoir son choix, comme peuple, le faire savoir au Gouvernement, à l’Union Européenne, à l’Indianocéanie, aux continents des origines. Il devra, parfois, le négocier. Nous avons le privilège de disposer pour réussir dans les meilleures conditions, de moyens considérables en richesses humaines, naturelles et financières. Nous aurions la liberté d’utiliser ces moyens au mieux de nos intérêts, sans mettre en cause nos solidarités. Qui sait si cette démarche réunionnaise réussie, ne pourra pas servir d’exemple. N’en tirons pas vanité. Mais n’attendons pas toujours les autres.
La lutte contre le Covid 19, nous demande de nous inscrire dans le cadre des mesures nationales (qui commencent à prendre en compte les collectivités locales davantage que par le passé…). Quels que soient les couacs constatés, les interrogations légitimes, les craintes, c’est une question de discipline pour la plus grande efficacité possible. Mais le danger passé, même progressivement, le lendemain de la pandémie pourra et devra être différent du passé.
Paul HOARAU
Culture Klic Réunion

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