Site d’informations culturelles de La Réunion

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Tout d’abord, je vous prie de m’excuser pour l’orthographe du CAC 40 [1], que j’ai écrit 4/40 en rédigeant mon dernier « journal », erreur que j’ai oublié de corriger.
Le sujet pour lequel La Réunion dit non ! c’est la vente de « Vindémia » par le groupe Casino au groupe Bernard Hayot ( GBH). C’est le grand remue-ménage permanent de la grande distribution.
Tous les Réunionnais sont opposés à cette transaction : le Président de La Région, le Président du département, les parlementaires locaux de tous bords (qui ont publié un document commun), les professionnels concurrents du groupe GBH, Edouard Leclerc, Carrefour, U, (qui ont déposé un recours au Tribunal administratif), les gilets jaunes de Saint-André et des Azalées, le Collectif Citoyen 974 (qui a fait circuler une pétition contre la vente). Monsieur Giradier a publié un rapport officiel, à la demande de l’OPMR [2], dans le même sens. Une association, l’association « ADECALOM » (association contre la domination économique et pour la défense des citoyens attachés aux libertés Outre-Mer), a même été spécialement créée avec Amine Valy, Jules Dieudonné, Philippe Cadet, Jean-Pascal Lauret pour mener une campagne contre ce projet [3]. Excusez du peu et j’en oublie. Vous noterez aussi la diversité des oppositions. Le mouvement est général.
Le jeudi 4 juin, l’association ADECALOM a donné une conférence de presse sur la question, absolument remarquable par son caractère technique, juridique et économique. Après une entrée en matière de Jules Dieudonné sur le contexte, Amine Valy a fait un exposé complet sur le sujet proprement dit, la vente de Vindémia par le groupe Casino au groupe Bernard Hayot. Vous trouverez les textes des deux intervenants en pièces jointes. Il m’a paru important que vous puissiez les avoir intégralement.
Ce sont « Les ententes et les monopoles qui fixent les prix (élevés) à La Réunion. Cela participe à accroître la pauvreté, sachant que 40 % de la population vit en dessous de ce seuil. » nous dit Jules Dieudonné. Dans son exposé à la presse sur le fond de l’affaire, Amine Valy démontre que l’opération Vindémia aura pour résultat de donner au groupe Hayot une position dominante qui constituera « une atteinte grave à la concurrence, un verrouillage des marchés de la distribution et de l’approvisionnement et la mise sous dépendance absolue de tous les fournisseurs locaux.. » En face de l’opposition générale, l’ADLC (l’Autorité De La Concurrence) dit tranquillement que cette opération ne comporte aucun risque pour la concurrence, que les engagements pris par GBH suffisent (alors que, même s’ils sont tenus, ils ne changent rien à la réalité) ; elle dit encore que l’opération est favorable aux intérêts des consommateurs. Ces affirmations ne sont soutenues par aucune démonstration, ni justification.
L’avis de l’autorité de la concurrence, même si sa présidente déclare à la télévision, qu’il est inattaquable n’est qu’un avis. Aucune décision politique définitive n’a été prise. L’association attend cette décision, qui dépendrait du Président de la République, pour entamer des recours auprès du Conseil d’État et du Tribunal administratif, dans les délais prévus. La partie n’est donc pas perdue et les jeux ne sont pas faits.
Il semblerait qu’il y ait, quelque part, une volonté de faire passer en force, l’opération Vindémia, dans l’intérêt du groupe Casino pour éponger des dettes, et du groupe Hayot, pour occuper une position dominante à La Réunion. La question n’est pas seulement économique, elle est aussi sociétale. Par le biais de l’économie, les Réunionnais ont été dépossédés ou marginalisés de l’élevage, de l’agriculture, de l’industrie sucrière, de la banque, et de la grande distribution, etc. Nous ne sommes plus maîtres des prix de ce que nous consommons, de nos finances, de la direction de nos affaires. Il reste quelques résistants à ce mouvement, mais ils sont menacés. C’est cela notre situation. En plus, comme le dit, Amine Valy dans sa conférence de presse : « la population est totalement ignorée dans cette affaire » (l’affaire Vendemia). L’opposition vient de la varangue, de la cour de l’agora et de la classe moyenne. Un sentiment réunionnais est en train de refaire surface ; la nécessité de nous unir, malgré nos différences et nos divergences, est en train de s’imposer. Malgré la mainmise générale de puissances dominantes qui progresse, les Réunionnais réagissent. Le bras de fer Vindémia est un test. La volonté de faire passer l’opération en force, va-t-elle l’emporter sur l’opposition générale locale ?
Les organisations réunionnaises qui ont droit à leur existence et à leur indépendance mais qui sont dispersées, éparpillées dans des groupuscules, chapelles, et collectifs divers sans connexion, sont à la merci des décisions parisiennes s’ils ne s’unissent pas à un certain niveau, malgré leurs différences voire leurs oppositions. C’est la ministre des Outre-Mer qui parlemente avec les gilets jaunes de nos ronds-points, c’est elle qui sort nos élus du bois, les convoque en video-conférence pour leur dire ce qui a été décidé concernant le coronavirus, c’est elle qu’une télévision locale invite pour parler de nos affaires : rappeler au journaliste qui lui demande si elle va abonder un certain crédit, que les élus disposent déjà d’un argent qu’ils n’ont engagé qu’à 12 %, répondre à une mère de famille sur une affaire de voyage qui devrait être réglée localement, etc. En l’absence de La Réunion, en l’absence d’autorité politique locale, en l’absence du peuple réunionnais pour dire qui il est, qu’il est là et que c’est lui qui fait, en l’absence d’une force locale, Paris est sous l’influence et sous la pression, peut-être sous le chantage, de puissances parisiennes qui nous dépouillent, nous « déplacent d’autorité au nom de la mobilité» comme du matériel, nous dépossèdent, nous bordent chez nous. Paris s’incline, Paris cède, Paris décide pour nous, sans nous. « La population est totalement ignorée » nous dit Amine Valy.
Il est urgent que notre peuple se montre. L’affaire Vindémia et le traitement qui sera fait aux gilets jaunes du Tampon, de Saint-André et aux autres, sont deux tests parmi d’autres. On assiste à un commencement d’acharnement contre les gilets jaunes, alors que le problème est que la place qui revient à ce qu’ils représentent leur soit reconnue. On fait pression sur ceux qui les aident à subsister, on les accuse de vol, etc. Attention !
A côté de la résistance de ceux qui ont été exécutés ou qui sont menacés, il y a tous ceux qui produisent, réalisent, construisent. Pour la plupart, ce sont des individus, des familles qui se sont lancés dans l’agriculture, l’apiculture, l’horticulture, les tables et chambres d’hôtes, la restauration, le tourisme, le commerce de proximité, la vente directe du producteur au consommateur, dans l’industrie, l’artisanat. Depuis quelque temps, depuis peu, les médias, télévisions, radios, réseaux sociaux multiplient les reportages, les interviews à leur sujet. Nous sommes heureusement surpris de la qualité des prestations. J’ai en tête un reportage sur les réseaux sociaux, d’une exploitation de permaculture, d’une entreprise apicole sur une chaîne locale, des émissions régulières sur des entreprises industrielles moyennes. Ce ne sont pas des entreprises sorties des plans publics des politiques officielles, mais des entreprises issues d’initiatives tout à fait privées dont certaines sont même en marge de toute intervention institutionnelle. Nous sommes en présence de quelque chose de solide, d’une économie réelle, d’échanges concrets entre producteurs et consommateurs (Je ne peux pas m’empêcher de penser à ces hommes et à ces femmes qui recherchent un petit bout de terre parce qu’ils n’ont pas d’héritage et qui désespèrent, alors que la SAFER est chargée précisément de distribuer des terres incultes ou en déshérence, que l’État a récupérées). C’est à partir de ce fourmillement concret que devrait prospérer une activité économique locale et se définir une politique locale de développement, plutôt que des projets importés, sortis de la tête de penseurs patentés mais déracinés.
Si je fais mention de ce monde qui réussit, c’est parce qu’il a été discret jusqu’à maintenant, qu’il a voulu rester à l’écart des grands débats et des grands projets officiels. Il n’a pas voulu « perdre du temps » dans des discussions sans fin et des démarches compliquées ; il n’a pas voulu entrer dans des partenariats qu’il n’aurait pas maîtrisés, prendre des engagements qui l’auraient emprisonné ; il a refusé les arrangements mirobolants mais pleins de pièges. Il a voulu créer « ti lamp, ti lamp » avec ses propres moyens tout en se soumettant aux obligations institutionnelles et en émargeant parfois à leurs aides. Avec le temps, il peut montrer les fruits de son travail. Et tout le monde accourt. Cela aussi, c’est le peuple, notre peuple, le peuple qui a réussi et qui devra percer.
Les retrouvailles de notre peuple suppose que cette partie qui a réussi, que la partie qu’on a endormie, que la partie à qui on refuse la place à laquelle elle a droit, que toutes ces parties s’unissent. Ce n’est ni une seule catégorie de ce peuple, encore moins une organisation particulière, un parti moins encore, un homme qui opérera ces retrouvailles. C’est tout le monde ensemble que doit se faire, chacun avec sa personnalité, ses différences, son charisme, cette reconquête de nous-mêmes (y compris le traitement de nos oppositions internes). Sans cette profession de foi réunionnaise en dehors de tout contexte électoral, en dehors de toute ambition partisane, il n’y aura pas de vie politique normale possible. C’est « le système » actuel qui perdurera parce que les règles du jeu seront les siennes. Ce qui est à faire aujourd’hui, cette reconquête de nous-mêmes, est comparable sinon plus importante que ce qui a été fait, jadis, avec l’association pour le déroulement normal des opérations électorales (l’ADNOE). L’association avait réussi à réunir tout le monde, toutes les oppositions. L’agora, la cour, la varangue, les classes moyennes réunionnaises devront, dans cette reconquête, s’afficher fièrement ensemble au nom de La Réunion. Cette manifestation collective, massive, publique de notre unité est un préalable. Les oppositions diverses à l’opération Vindémia, les solidarités affichées ou cachées autour des gilets jaunes, l’appel à l’union des associations et l’attente « de la population totalement ignorée » sont le prélude à cette profession de foi réunionnaise, collective, massive et publique. La suite qui sera donnée à l’affaire Vindémia et l’avenir des gilets jaunes auront valeur de tests de la considération que les responsables parisiens ont de nous et de l’engagement des élus locaux pour La Réunion.
L’issue de ces deux affaires exemplaires nous dira aussi de quel poids nous pesons.
Paul HOARAU
Une pétition est en cours : https://bit.ly/2yzApcH
[1] CAC signifie : Cotation Assistée en Continue. 40 parce que la valeur du CAC se compose des 40 valeurs parmi les 100 premières capitalisations françaises. La valeur du CAC 40 est mise à jour toutes les 15 secondes des jours ouvrables, de 9 heures à 17 h 30 ( heures de Paris).
[2] OPMR = Observatoire des Prix, des Marges et des Revenus.
[3] On pourrait ajouter à cette liste, ma lettre aux présidents de la région, du département et de l’association des maires du 12 août 2019.
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