La BD est un refuge
S’il est installé depuis plusieurs années en métropole, Tehem reste fidèle à ses racines réunionnaises : esclavage et BD sont au cœur de sa résidence d’artiste. En collaboration avec le scénariste Apollo, Thierry Maunier nous promet une redécouverte de l’esclavage à travers les yeux de Edmond Albius, à l’origine du procédé de la fécondation artificielle de la vanille. En cours de réalisation pour les archives départementales, la bande dessinée « Vingt-Décembre » illustre la période d’affranchissement des Réunionnais. « On raconte comment Edmond Albius a vécu cette journée particulière du 20 décembre 1848. On a également crée un deuxième album dans lequel on a rassemblé 12 documents qu’il nous semblait intéressant de faire connaître au public. Ce sont des textes et des illustrations qui raconte modestement l’histoire de la Réunion. C’est un prolongement de la BD » explique Tehem. Au programme de la restitution du projet, des dessins réalisés en live et projetés au public. « Notre résidence d’artiste aux archives départementales nous a permis d’explorer des documents qu’on n’a pas l’habitude de traiter dans la culture ou la littérature ». L’univers artistique du dessinateur tourne autour de l’album jeunesse. A cheval entre le réalisme et l’humoristique, Tehem aime interroger les codes de la BD. Il apprécie particulièrement Franquin et Gotlib, deux auteurs mettant en scène des personnages qui sortent de leurs cases.
Très jeune, Tehem sait qu’il est fait pour la bande dessinée. Plus qu’un moyen d’expression, la BD devient son refuge lorsqu’il s’installe en métropole à l’âge de 14 ans. « Heureusement que j’ai eu le dessin pour me sortir de la grisaille et m’évader ». A la fin des années 80, Tehem intègre le fanazine le Cri du Margouillat, pour lequel il invente le personnage de Tiburce. « J’étais en train de passer le bac en métropole quand j’ai appris que la première BD créole était en train de se développer. Ça m’a frustré de ne pas pouvoir être sur place d’autant plus que ce sont des gens avec qui j’étais au collège qui l’ont montée ». Il faudra attendre quelques années avant que le quinquagénaire ne vive de sa passion. Tehem donne dans un premier temps des cours d’arts plastiques dans l’enseignement secondaire. Davantage passionné par le dessin que la pédagogie, il réalise ses propres créations en parallèle de sa carrière puis décide en 1998 de ne se consacrer qu’à la BD. A l’époque, le dessinateur reconnaît « qu’il était plus pratique pour les connexions professionnelles d’être en métropole. J’ai trouvé un atelier qui me plaisait dans la ville de Mazé donc je m’y suis installé ». Tehem n’en oublie pas pour autant son île natale : régulièrement, il retourne à la Réunion et intervient dans des écoles, des festivals ou passe simplement du temps en famille. Tiburce finit par tomber entre les mains de l’éditeur Dargaud. De fil en aiguille, de nouveaux personnages comme Malika Secousse s’ajoutent à l’univers artistique du dessinateur. « Je voulais faire une école pour gagner du temps mais j’ai finalement appris sur le tas ». Tehem a aujourd’hui 56 albums à son actif.
Texte Maeva Mansard
Photos DR