Un mot d’ordre : revendiquer. A travers le reggae, Ti Rat veut transmettre et sensibiliser. Son projet artistique « Nout Karatèr » s’établit pendant la troisième édition des résidences « Patrimoine et création » du Département. Le dispositif lui permet de collaborer avec la Bibliothèque Départementale de l’île (BDR) et de toucher des jeunes minorités en difficultés scolaires. Tout au long de l’année, le chanteur accompagne quatre groupes de collégiens issus du Nord de l’île et les amène petit à petit à extérioriser leurs ressentis. Pour les aider, la réminiscence de l’esclavage et de tout un peuple opprimé : « On s’est mis dans la peau d’esclaves, insérés dans une société qui nous considère comme tels et on a eu des choses à dire », affirme avec conviction Ti Rat. La démarche du chanteur éclaire le fonker (l’état d’âme) de la jeunesse réunionnaise : « Nous autres, adultes, devons apprendre à écouter ce que nos enfants disent. Dès que j’ai l’occasion, je travaille avec des élèves. J’ai eu de leur part des revendications si fortes et personnelles qu’elles étaient inconnues des professeurs ». Le fonker de chacun s’est manifesté par de la poésie sur fond de reggae, le tout sous forme de vinyle. « Les Maronèr du XXIe siècle », « Les Écorchés vifs », « Les Revandikère » et « Les Défendèr » en sont des titres révélateurs. Ti Rat et les adolescents se sont retrouvés le 15 décembre à la BDR pour une écoute finale et la distribution du disque.
Rastafarisme et tourments du passé
Le fief du chanteur reste Saint-Anne. Ti Rat est né et a grandi dans l’Est de l’île. A la fin de sa scolarité en 1988, il rejoint son père coupeur de canne à sucre et l’accompagne dans l’exploitation familiale. L’artiste se lance six ans plus tard dans la musique. Le reggae, il s’y familiarise dès son plus jeune âge : « J’ai d’abord appris la musique sur la route au bord du chemin. Un pote du quartier nous a inculqué les valeurs du reggae. Je me rappelle des premières fois où j’ai entendu parler du JAH RASTAFARI , d’HAÏLÉ SÉLASSIÉ et de MARCUS GARVEY ». Ti Rat se revendique « Rasta » et s’inspire de différents mouvements dans lesquels se mêlent protectionnisme, rastafarisme et combat pour l’égalité des droits. Explorer l’Histoire et la construction identitaire des Réunionnais l’amène à la production de textes engagés, alimentés par les tourments du passé. Le groupe de musique Ti Rat et Rouge Reggae naît en 1996 et un premier album sort deux ans plus tard. Autonome, le chanteur décide de monter son propre studio lorsqu’il s’installe au Bassin Bleu, près des champs qui l’ont vu grandir. Au quotidien, l’association Ter Ver l’aide dans ses démarches artistiques. Dernier projet en date, le développement d’un site culturel et touristique en plein air intitulé le « Fraguet », intégré à son lieu de vie. Le but : valoriser la beauté de l’endroit, isolé face à la mer, et favoriser la démocratisation culturelle. Pour se faire, l’installation de bars, de terrasses et de podiums sur lesquels des artistes auront la possibilité de se produire : « Je veux laisser une trace de mes convictions et de mes engagements ».
Artiste engagé, Ti Rat est dévoué au reggae. La musique lui permet de mettre en avant les symboles de liberté, de paix et d’égalité. Le vinyle est au cœur de sa production artistique.
Les vinyles seront dans les médiathèques de l’ile .
Texte Maeva Mansard
Photos Thierry Villendeuil
Ti-Rat en bref :
Joseph Alain Lebeau (Ti Rat)
Issu d’une famille de musiciens, un grand- père violoniste et joueur de banjo, une grand- mère chanteuse, une mère joueuse de « jazz » (au sens créole du terme), il a grandi enrichi de ces pratiques qui animaient les mariages et événements importants aux alentours de Ste-Anne et St-Benoît, dans l’Est profond de notre île. Elève de Zélindor, la culture maloya fait partie intégrante de sa personnalité, étant de fait percussionniste, et en particulier joueur de roulèr. il a même suivi deux années durant le naissant cursus de musiques réunionnaises dispensé au Conservatoire National de Région (années 1994-1995 et 1995-1996), avec son professeur Eric Sida-Chetty. Il y a aussi cotoyé Mme Gaëlle Beauperin, professeur d’alto qui interviendra sur un de ses albums. Tous deux s’accorderont l’honneur d’intervenir dans certains de ses concerts, en particulier au théâtre de St-Gilles ou encore à la ravine St-Leu. Ses choix artistiques, dans un questionnement identitaire et historique, l’ont amené à œuvrer dans le reggae et à écrire en créole, en anglais et en français . Après un premier 4 titres Esclavage Moderne édité en 1999 chez PIROS, ayant acquis son propre studio baptisé Zone Jaune Records, il a autoproduit l’essentiel de sa création discographique : Divine Recommandation 2000 / More Unity 2003 / Diaspora en toute simplicité 2006 / Black Cause 2010 / 20 Ans 2015 / The Way of Life part.1 2017 . Son groupe a 25 ans et il travaille avec sa famille et quelques fidèles. Avec son groupe Rouge Reggae, Ti Rat s’est produit sur plusieurs scènes à La Réunion et dans l’océan Indien (Mayotte, Maurice, Madagascar), ainsi qu’en France, en Afrique du Sud, en Inde et en Asie Il a aussi la volonté de partager, de transmettre avec les publics les plus fragiles et de contribuer à l’émancipation des jeunes et des moins jeunes par l’expression musicale.