Site d’informations culturelles de La Réunion

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Après une réflexion sur les élites, maillons incontournables de nos sociétés (JPH 143), une deuxième réflexion sur les associations, révélatrices de nos sociétés, (JPH 144/145), une troisième réflexion sur le monde économique, moteur de nos sociétés (JPH 146) une quatrième réflexion sur le monde culturel, conscience de nos sociétés (JPH 148) [1], une cinquième réflexion sur le monde spirituel, le monde de la transcendance (JPH 149), mous terminons le cycle par la politique, ciment et tremplin de nos sociétés. Pour être complète, notre société réunionnaise a besoin de toutes ces composantes. Ni les élites, ni les associatifs, ni le monde économique, ni les culturels, ni le monde spirituel, ni le monde politique, ne peuvent dire qu’ils sont nécessaires et suffisants, chacun à lui tout seul, pour la bonne marche de notre société et le meilleur bonheur de ses habitants ; mais tous ensemble, ils sont assurément, tous nécessaires. C’est le monde politique qui met – qui devrait mettre – tout ces mondes ensemble et en action sur notre chantier commun.
La politique c’est, d’abord, l’affaire des peuples. C’est aux peuples de faire savoir aux politiciens qui ils sont, qu’il faut compter avec eux et que c’est eux qui font.
Cela n’est pas du populisme, mais de la démocratie, c’est le peuple souverain. Le populisme, c’est le racolage du peuple par tous les moyens, pour le rassembler au service d’un parti ou d’un homme ; la démocratie, c’est le peuple qui se mobilise indépendamment des partis et des politiciens.
Dans le populisme, ce qui compte, c’est la prise du pouvoir par un parti ou par un homme. Quand on voit à travers les documentaires, de quelle façon Hitler a réussi à parquer les Allemands dans des manifestations monstres pour le soutenir, et de quelle façon il a éliminé ses opposants, on se trouve en présence d’un populisme accompli. Il en est de même quand un parti prétend réunir l’unanimité d’un peuple autour de lui avec les mêmes moyens. Cela finit fatalement, par des dictatures personnelles. Mais sans aller jusqu’à ces extrêmes, le populisme c’est quand l’accès au pouvoir est la priorité. Dans le populisme, on confond partisans et militants – ils sont nécessaires et il en faut – avec électeurs. Dans le populisme, l’électeur est nécessairement un militant, à tout le moins un partisan.
En démocratie, ce qui compte, c’est la souveraineté du peuple. Elle s’exerce concrètement à travers, principalement, le vote des électeurs, mais aussi par d’autres moyens : les corps intermédiaires, les manifestations, etc. C’est le peuple qui dit ce qu’il veut et qui donne le pouvoir aux politiciens par l’élection. C’est le peuple qui choisit, parmi les candidats, ceux qui répondent le mieux à sa volonté. Sans doute, les politiciens disposent-ils de militants et comptent-ils sur des partisans, mais c’est la majorité des électeurs absolument indépendants d’eux, qui a le dernier mot. Les politiciens, en démocratie, ne sont pas les patrons, mais les serviteurs du peuple.
La difficulté c’est, souvent, de connaître la volonté du peuple, parce que le peuple est absent. Où est le peuple ? A La Réunion, le peuple existe. Mais « Le système », que pratiquent les autorités dites politiques, nationales et locales, nie son existence. Et pour se conformer aux règles du « système » et pouvoir en tirer les bénéfices, le peuple se comporte comme s’il n’existait pas. S’il n’y a pas de peuple, il n’y a pas de démocratie. Le peuple devient une « population » que les autorités administrent. « La population réunionnaise », dans « le système », est administrée par le Gouvernement de Paris et à travers ses représentants locaux, à Saint-Denis.
Pour « le système », il n’y a qu’un peuple français. Il n’y a pas de peuple réunionnais. Le peuple réunionnais est dissous, il disparaît dans ce peuple français uniforme. Or, à l’évidence, il y a une communauté réunionnaise incontestablement française : « Que vous êtes Français! », disait le Général de Gaulle. Mais cette communauté réunionnaise est différente et originale. La situation géographique, le climat, les origines ethniques et le métissage, les relations particulières avec les continents des origines, l’Afrique, l’Asie, l’Europe, la culture, tout cela est différent, tout cela nous est propre. A l’intérieur des intérêts nationaux communs, notre communauté française, locale, originale, a des intérêts différents des intérêts de la France. Elle doit les préserver sous peine de disparaître. Si j’achète une boîte de haricots en conserve de La Réunion, je soutiens une entreprise locale ; si j’achète une boîte de haricots en conserve importée, je soutiens une entreprise métropolitaine. Si mon premier choix se généralise, l’entreprise réunionnaise se développera et l’entreprise métropolitaine ne subira qu’une diminution de son chiffre d’affaires réunionnais ; mais si mon deuxième choix se généralise (nous serions dans cette situation à 95 % me dit-on) l’entreprise métropolitaine se développera, mais l’entreprise locale coulera et disparaîtra. C’est comme cela que nous avons perdu et continuons de perdre la maîtrise de notre production rurale, que nous avons perdu notre industrie sucrière, notre banque et de nombreux secteurs de services. C’est comme cela que nous finirons par ne plus rien produire de ce dont nous avons besoin. Et c’est comme cela que l’on nous dit déjà qu’il n’y a plus de travail pour nous dans l’île et que nous devons aller le chercher ailleurs.
On voit que la dissolution des peuples, la suppression de la diversité, l’uniformisation entraînent la suppression des plus faibles. On peut trouver des moyens d’assurer leur subsistance par l’assistance, par l’émigration, en limitant la démographie, etc. La diversité ne peut subsister que si l’économie du «toujours plus », qui uniformise, qui marginalise, qui appauvrit, qui supprime, pour concentrer, pour monopoliser et pour enrichir des minorités, cette diversité ne peut subsister que si l’économie du «toujours plus », est remplacée par l’économie de ce que l’Abbé Pierre appelait « le suffisant ». Cette économie « du suffisant » assure au plus grand nombre la possibilité de produire ce dont il a besoin en se contentant de la rentabilité. Ce problème est mondial, c’est le problème de la délocalisation des entreprises pourtant rentables, pour augmenter les profits. La pandémie du coronavirus en a montré quelques inconvénients majeurs. Il faut que le droit de la diversité soit reconnu, sauvegardé, éventuellement protégé. Pour ce qui nous concerne, que la diversité des peuples français, dont le nôtre, soit reconnue par la République et leurs droits respectés. Si nous sommes fondus dans l’uniformité française, la diversité n’est plus assurée.
Notre peuple existe. Nous avons des élites qui sont aujourd’hui sous employées ou mal employées. – Notre monde associatif est riche, mais les associations qui ne sont pas dans « le système » sont marginalisées. Malgré leurs actions, beaucoup sont refoulées dans le plus grand anonymat. – Nous sommes témoins de ce que font nos acteurs économiques, industriels, commerçants, artisans ou familiaux (les télévisions en parlent tous les jours). La crise du coronavirus a révélé leur savoir-faire, leur réactivité, leur ingéniosité. Mais pour « le système », l’activité économique se résume aux aides et aux subventions, nécessaires sans doute, mais qui sont distribuées dans l’urgence, sans un projet politique de développement. – L’activité de nos acteurs culturels est incontestable, il n’y a qu’à voir, à entendre, à prendre connaissance de leur production. Mais les responsables financent ceux qui ont la chance d’intéresser ou de forcer le « système ». Ils regardent le reste avec amusement. – Nous avons un monde spirituel influent. Toutes ces composantes sont en mesure de promouvoir notre pays autrement qu’il ne l’est. Elles sont nombreuses mais elles sont dispersées, elles sont porteuses de richesses de qualité mais elles sont inutilisées et ignorées. La composante politique locale qui devrait mettre tous ces mondes ensemble et les mettre en action, fait défaut. Ici, les élus – ceux qui ont la légitimité de l’élection, pour parler en notre nom – sont dans le déni. Pour justifier leur déni, ils ont deux arguments : premier argument, l’immaturité et l’incapacité présumées des Réunionnais, et deuxième argument, la peur du largage.
Nos élus du « système », ont décrété qu’il n’y a pas de Réunionnais aux compétences requises pour assumer la responsabilité politique d’un peuple. Confier la responsabilité politique de l’île à des Réunionnais, à leurs yeux, serait vouer le pays au désordre et à la misère. Ce disant, ils s’accusent eux-mêmes, et ils assument. En vérité, ils ont écarté nos compatriotes capables, écarté nos élites à tous les niveaux. Ils ont confiné ceux qui l’ont accepté, dans des activités subalternes voire factices ou ils les ont dégoûtés au point de les pousser à la retraite ou à l’exil. Un gâchis !
Nos mêmes élus « du système » veulent faire peur en disant que notre volonté d’être un peuple reconnu, provoquera le largage de La Réunion par la France. Je peux témoigner à partir de faits dont j’ai été acteur pour certains (mais pas élu), que Paris accepte de dialoguer sur ce sujet et qu’il a pris des initiatives dans ce sens. En vérité Paris attend des interlocuteurs, mais notre classe politique locale ne veut pas de ce dialogue parce qu’elle ne veut pas de la responsabilité politique. Elle préfère se débarrasser de ce fardeau sur les épaules du Gouvernement qu’elle appelle l’État. L’Etat, dès lors et logiquement, revient à la centralisation jacobine qui est sa tentation naturelle. Depuis deux présidences au moins, Paris reprend ainsi les choses en main.
En face du renoncement de la classe politique locale d’une part, et en face de la reprise en mains des affaires réunionnaises par Paris d’autre part, une seule action s’impose pour les Réunionnais qui ne veulent pas disparaître, pour les Réunionnais qui veulent être acteurs du développement de leur pays, à la manière réunionnaise.Cette action, c’est leur affirmation collective, massive et publique d’être un peuple. Sans cette profession de foi collective, massive et publique, il n’y aura pas de démocratie. Par la force des choses, l’île sera sous administration directe de Paris.
A partir de cette profession de foi, disant qui il est, qu’il faut compter avec lui et que c’est lui qui fait, notre peuple retrouvé, pourra dire au Gouvernement, à l’Europe, à l’Indianocéanie, aux peuples des origines ce qu’il veut faire et négocier avec eux ; il pourra dire cela à travers des états généraux réunionnais par exemple. Et notre peuple retrouvé pourra aussi, de cette manière, donner une feuille de route à nos compatriotes qui voudront le servir en politique.
Paul Hoarau
[1] Nous avons interrompu la série pour commenter les résultats des municipales dans un numéro spécial (JPH 147).
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