L’épanouissement artistique, Yasmine le vit lorsqu’elle observe et s’imprègne des territoires choisis. Influencée par le land art ou l’art environnemental, l’artiste passe par différents médiums pour rendre compte de sa réalité et de celle des autres. Tout commence à la Rivière des Galets. Ce quartier situé dans l’Ouest de l’île, à cheval sur les communes de la Possession et du Port, a vu grandir Yasmine. Au fil des années, le lieu est devenu un véritable terrain artistique. « J’ai toujours travaillé et vécu à la Rivière des Galets. Je suis imprégnée du lieu, j’aime travailler sur ce que je connais et en même temps il y a toujours des petites découvertes », reconnaît la plasticienne. Pour révéler les richesses d’un territoire aux multiples facettes, l’artiste utilise généralement la photographie. Sa démarche s’inscrit dans la pratique du Land art et de l’art environnemental, connu pour mettre en avant la singularité des paysages. Force d’humilité, Yasmine n’hésite pas à se fondre dans le quotidien des habitants qu’elle côtoie. De la volonté d’allier l’Homme et son environnement, La Rivière des Galets, Observation I est né. « Observation I, c’est observer la vie, le paysage, les petites actions et les petites traces. Par moment, quand le courant est trop fort dans la rivière, les familles ont tendance à construire des petits cercles avec les galets pour que les tous petits puissent se baigner à l’intérieur. Dans mes photos, c’est aussi ça que je raconte. » Photographier la Rivière des Galets et son décor sablonneux, c’est aussi faire un clin d’œil aux exoplanètes, c’est la métaphore et l’inscription de l’univers dans un territoire terrestre. Pour la deuxième édition du projet artistique Panorama, l’un de ces clichés orne les murs de l’artothèque.
Ne jamais trahir ses convictions
Yasmine réitère l’expérience en se rendant en 2019 à Madagascar, terre de ses origines. Elle observe, s’imprègne et prend connaissance d’une nouvelle histoire. A l’écoute de ses ressentis, l’artiste ne trahit jamais ses convictions. Le point de départ de ses créations se base sur ses expériences personnelles, expériences proposées « à l’autre pour qu’il se fasse une lecture, une idée de finitude des choses ». Entre conscience écologique, rêves de poésie et introduction d’éléments naturels comme le temps, l’eau ou le sable, la plasticienne veut sensibiliser au monde qui nous entoure. Parmi les œuvres qui font sens pour elle, La Robe Claire, vidéo qui valorise à la fois le paysage et les affects. « Il y a certains lieux où notre sensibilité à la lumière peut-être exacerbée et dans l’instant qui suit d’une douceur reposante. Ce désert de galets qu’est la Rivière des Galets en fait partie. Ce banc-titre est une empreinte de mon expérience en tant que riveraine, en tant qu’artiste et femme. »* Ses voyages achèveront de lui témoigner l’importance du partage avec l’autre. « J’ai eu l’occasion d’aller en Belgique pendant mes études. C’est là-bas que j’ai compris certaines choses sur l’immigration. J’ai rencontré des personnes qui étaient obligées de se déplacer pour des raisons économiques ou politiques. Les récits et les rencontres donnent la réelle dimension de la violence de tous les jours ». Une série de portraits réalisés par Yasmine illustre le combat de ces hommes pour qui la vie n’est pas un long fleuve tranquille.
Entre discrétion, patience et simplicité
Patience et simplicité caractérisent Yasmine. Elle commence par étudier les arts pendant trois ans avant de s’adonner à d’autres activités. «Pendant plus d’une dizaine d’années, j’ai travaillé dans plusieurs domaines. Et puis doucement, sans s’en rendre compte, la pratique artistique revient et prend beaucoup de place ». En terminant ses deux dernières années à l’école supérieure d’art du Port, l’artiste espère apporter de la matière et de la réflexion à ses projets. Depuis l’obtention de son DNSEP (Diplôme national supérieur d’expression plastique) en 2017, elle alterne entre expositions, bourses et résidences artistiques. De la photographie à l’installation en passant par la vidéo, Yasmine a su au fil du temps se faire une place sur la scène artistique réunionnaise et sur celle des territoires d’outre-mer.
*consultable sur le site web attoumane.re
Texte Maeva Mansard
Photos DR